dimanche 27 septembre 2009

Histoire d’accommodements ( raisonnables ?)


Avez-vous dit tradition ?

À Drummondville, un groupe de parents contestant le nouveau cours « Éthique et culture religieuse » vient de se faire débouter devant un tribunal. Le juge a statué que ce cours, qui expose sommairement diverses croyances religieuses, ne contrevenait pas à leurs droits fondamentaux de parents.

Au-delà des qualités et des défauts du cours en question, il est clair que ce que ces parents défendent, c’est le droit de maintenir leurs enfants dans l’ignorance, en particulier vis-à-vis des autres cultures et des autres croyances.

On a pu entendre une mère presqu’en pleurs le dire en toute lettre « Je ne veux pas que mes enfants apprennent qu’il y a d’autres dieux! ». Selon leur interprétation, en tant que parents, ils ont le droit d’empêcher que leurs enfants soient exposés à des idées étrangères à leurs propres convictions, croyances et superstitions.

Ce fut aussi, pendant longtemps, un argument-massue des opposants à l’école obligatoire : ne pas brimer les droits des parents.

Ah ! Certains sont déjà nostalgiques du bon vieux temps où, dans les écoles publiques du Québec, c’était la religion catholique pour tout le monde. Ça a toujours été comme ça avant la Révolution Tranquille et les Bolcheviques de Jean Lesage, et dans c’était tellement plus simple ! Non ?

Ben non, justement.

La petite anecdote suivant date du milieu du XIXe siècle, à L’Avenir près de Drummondville.

On la trouve dans le livre « L’Avenir » de Joseph-Charles St-Amant, historien local.

« En 1853, la commission scolaire du township de Durham fut divisée en deux(…)Les premiers commissaires élus furent J.-B.É. Dorion, Go. Atkinson, H.S. Griffing, Robert Griffith et Moïse Charpentier. (…)Comme on le voit, on était alors sous le régime des écoles mixtes. »

Ici « mixte » veut dire qu’on y trouvait des Catholiques et des Protestants. La région avait été originellement colonisée par des Anglais, des Irlandais et des Écossais mais, à partir des années 1850, les Canadiens français y arrivèrent en grand nombre, notamment sous l’impulsion de Jean-Baptiste-Éric Dorion (photo), journaliste et homme politique, militant libéral pas particulièrement « rongeux de balustre ».

Bientôt, cependant, surgit un conflit : certains parents protestants se plaignirent que l’instituteur du village, M. Béchard, avait fait dire des prières catholiques en classe et demandèrent sa destitution. L’affaire fit grand bruit.

« À la séance du 17 mars 1854 le corps entier des commissaires était présent excepté Robert Griffith.
On mit de côté les accusations contre M. Béchard mais on résolut :
« Que l’instituteur fût notifié de ne faire dire aucune prière quelconque aux enfants, en aucun temps, avant, pendant ou après les heures de classes à l’école, vu qu’une telle pratique n’était pas convenable dans une population mixte comme celle de l’Avenir. »


L’affaire rebondit une autre fois au début des classes à la fin de l’été. Le résultat :

Le 31 août 1859, M. T. H. Lacy proposait, secondé par A.-D. Richard :
« Qu’aucune instruction religieuse ne soit donnée et aucune prière dite dans aucune école de cette municipalité pendant les heures de classe, c’est-à-dire du commencement à la fin de la classe, et que les instituteurs soient requis de se conformer strictement à cette résolution. »


Et oui. Pas de prière en classe. Pas de cours de religion non plus. C’était en 1858.

Vous avez dit « tradition catholique » ?