dimanche 22 mars 2009

Histoire pas catholique



Décidément, en ce mois de mars 2009, l’Église catholique en a fait voir de toutes les couleurs à ses fidèles !
D’abord avec un cardinal qui nie l’Holocauste et dont le pape ne semble pas savoir s’il doit le démettre de ses fonctions ou pas...
Ensuite avec cet évêque brésilien qui excommunie toute la famille et le personnel médical entourant une fillette de neuf ans qui se fait avorter après un viol.
Enfin avec la campagne contre les condoms que Papa Ratzi mène en Afrique, continent ravagé par le SIDA.

Mais ce n’est pas d’hier que l’Église s’embarque dans des causes douteuses et ça n’arrive pas seulement dans des pays « étrangers ». Voici une petite histoire ayant eu lieu dans notre Québec…

La loge « L’Émancipation »

En Mars 1911, à la Cour du Banc du Roi de Montréal, le juge Joseph Lavergne (citoyen d’Arthabaska, père d’Armand Lavergne et ami de Wilfrid Laurier) préside un procès hypermédiatisé pour l’époque, La Couronne contre A-J. Lemieux.
Le docteur Albert J. Lemieux et trois autres individus sont accusés d’avoir perpétré un vol à main armée sur la personne de Ludger Larose, peintre et professeur d’art.
Ce qui suscite la présence des représentants 10 journaux différents, venus de toute la province, à ce procès, c’est que Ludger Larose est aussi franc-maçon et que l’agression dont il fut victime est directement liée à son appartenance à la franc-maçonnerie, société secrète très mal vue par l’Église, alors que ses agresseurs sont membres de l’Association Catholique de la Jeunesse canadienne-française (ACJC) , organisme fondé en 1903 et voué à la défense du catholicisme.
Le crime a été commis le 8 avril 1910, à Montréal, au coin Sherbrooke et Prudhomme. Alors que Ludger Larose descendait du tramway, il fut attaqué par 4 hommes armés qui lui prirent son argent et, surtout, des documents appartenant à la loge maçonnique L’Émancipation, seule loge maçonnique francophone au Québec, dont Larose était trésorier.
Parmi ces documents se trouvait une liste des membres de l’organisme. Larose signala l’agression à la police, mentionna le vol de son argent mais ne parla pas de la liste de membres.
Quelques jours plus tard se tint une réunion d’urgence de la loge. Tous étaient certains que les documents seraient utilisés contre les personnes membres et la loge L’Émancipation décida de se dissoudre. Ses archives furent brûlées.
Les craintes des Francs-maçons se réalisèrent quelques mois plus tard quand les Jésuites du collège Sainte-Marie publièrent une brochure de 32 pages signée par le docteur Albert-J. Lemieux, intitulée La loge l’Émancipation. La brochure contenait des extraits de comptes-rendus de réunions de la loge remontant à 1909 mais, surtout, une liste des membres.
Les persécutions commencèrent immédiatement. Plusieurs médecins, maintenant connus comme francs-maçons, furent rayés du personnel des hôpitaux, la ville de Montréal fit une enquête pour expulser les Francs-maçons de son personnel et les commissions scolaires firent de même. Ludger Larose, marié et père de deux enfants, fut congédié sans façon de la commission scolaire du plateau, où il enseignait depuis 16 ans. Monseigneur Bruchési, archevêque de Montréal, publia la « liste noire » des personnes en question, recommandant aux Catholiques de les éviter, de ne pas faire affaire avec eux, de ne pas les embaucher.
Lemieux commença à faire une série de conférences sur le contenu de sa brochure et montant en épingle la « menace maçonnique ». Un jour, Larose l’entendit pérorer dans une librairie. Il reconnut la voix d’un de ses agresseurs. Il porta plainte à la police. Des accusations de vol à main armée furent portées. Et c’est ainsi que la cause se retrouve devant le juge Lavergne.
Les accusés ne nient pas les faits et se défendent même en disant avoir agi pour défendre la religion. C’est Larose qui est traité comme un accusé et questionné de façon serrée sur les buts de la franc-maçonnerie et le fait que l’Église interdise aux Catholiques d’en faire partie. On monte en épingle le fait que la loge L’Émancipation entretient des relations suivies avec le Grand Orient de France, loge maçonnique qu’on dit être à l’origine de la loi de séparation de l’Église et de l’État, adoptée dans ce pays en 1905.
À la fin du procès, devant les faits présentés, le juge Lavergne fait ses recommandations aux 12 jurés, tous canadiens-français et catholiques. Il est beaucoup plus directifs que ne le sont ordinairement les juges en disant : « Vous devez juger conformément à la preuve. Aucun autre verdict ne serait acceptable, que celui de culpabilité. »
Mais, le 28 mars 1911, les jurés trouveront les accusés non coupables. Malgré le fait, rappelons-le, que les 4 individus aient avoué avoir perpétré le vol à main armée. L’ensemble du clergé et de la presse conservatrice du Québec se félicitera de cette victoire sur l’athéisme alors que les journaux libéraux seront scandalisés : « Une nouvelle morale permet de voler les gens et de les brutaliser ! » affirmera le journal Le Pays.
Ludger Larose parviendra à survivre tant bien que mal jusqu’en 1912, où il sera embauché comme professeur d’art à la commission scolaire de Westmount. Il n’aura plus jamais l’occasion d’enseigner à des francophones.
Une nouvelle loge maçonnique francophone, appelée Force et courage, sera fondée mais elle demeurera marginale et n’aura jamais plus de 25 membres.
Chantez avec moi : Dans le bon vieux temps, ça se passait d'même...
Source :
Longstaff, Alison
The price of passion
The Beaver October/november 2005, Vol 85 :5, p 36 à 40

et

http://fr.wikipedia.org/wiki/Franc-ma%C3%A7onnerie_au_Canada

Photos : « Saint-Faustin » Tableau de Ludger Larose 1899
« Le vieil homme » Tableau de Ludger Larose

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