dimanche 15 février 2009




Votre cellulaire et le Congo... (1ère partie)




Puisque février est le mois de l’Histoire des Noirs, je vais y aller d’une petite histoire africaine.

Parlons du Congo...

La République démocratique du Congo (qui fut autrefois le Zaïre, le Congo belge et l’État indépendant du Congo, entre autre noms que cette région a portés) est un territoire immense, actuellement sans gouvernement digne de ce nom, de 2 345 000 km2 et peuple de 65 millions d’habitants. L’endroit est, depuis 10 ans, ravagé par une guerre qui a fait entre 2 et 4 millions de morts et est totalement ignorée par les médias. En théorie les différentes factions ont signé un cessez-le-feu en 2003 mais les combats continuent dans le nord du pays.

Par comparaison, signalons que le conflit israélo-arabe, qui occupe tellement les médias occidentaux, a fait 51 000 morts en 60 ans.

La guerre au Congo a commencé durant la chute longtemps attendue du dictateur Mobutu Sese Seko en 1997. Cet individu, qui avait mis le pays en coupe réglée et instauré un régime qu’on a qualifié de « kleptocratie » (gouvernement par le vol) était aussi un grand ami de l’Occident pendant la guerre froide.

Avant lui, il y avait eu une autre guerre civile, au début des années 60. Celle-là, distinguée par la présence, totalement inefficace des troupes de l’ONU et celle, médiatiquement attirante de groupes colorés de mercenaires venus de divers pays européens, avait été causée par la sécession d’une province riche en minéraux, le Katanga. Cette sécession avait été soutenue par des intérêts miniers très importants qui redoutaient la présidence « socialiste » de Patrice Lumumba, élu à la tête du pays après le départ des Belges en 1960.

La Belgique avait dirigé le Congo, d’une façon particulièrement autoritaire, même selon les standards colonialistes, depuis 1908.

Parce qu’avant cette date, le Congo avait fait l’objet des manchettes des journaux occidentaux, à cause des « horreurs » qui s’y déroulaient.

De 1885 à 1908, ce fut l’époque de « l’État indépendant du Congo… »

En 1885, une grande conférence se tenait à Berlin, réunissant les chefs d’État des grandes et moyennes puissances européennes, avec, à l’ordre du jour, le partage de l’Afrique. Les pays européens se préparaient à conquérir l’intérieur du continent noir. Depuis des siècles, les Anglais, Français, Portugais, Espagnols et autres s’étaient contenté de s’emparer de petits territoires situés sur les côtes. Les maladies tropicales et l’opposition des royaumes africains avaient, jusque-là, empêché les Européens de pénétrer très loin à l’intérieur du continent. Dans les années 1880, deux découvertes vinrent changer la situation : les progrès de la médecine permettaient enfin aux Blancs de lever le premier obstacle et l’invention des armes automatiques, de liquider le deuxième.
Le principe reconnu par la conférence de Berlin était celui du « premier arrivé, premier servi ». Le premier pays à envoyer un explorateur dans un territoire pouvait ensuite le revendiquer sans interférences des autres puissances européennes. À lui ensuite d’imposer sa domination aux « indigènes ».
Or, dans l’immense bassin du Congo, où se trouve aujourd’hui la république du même nom, l’explorateur américain Stanley avait patrouillé la région, non au nom d’un pays mais au nom d’un individu : Léopold II, roi des Belges , qui était aussi un homme d’affaire avisé. Il avait formé la Compagnie du Congo pour le commerce et l’industrie, entreprise privée. Sous sa direction, des explorateurs avaient parcouru le bassin du fleuve Congo, et arraché des traités aux souverains des royaumes locaux en employant diverses méthodes, dont la corruption et la violence. Par ces documents, les principaux États de la région, les royaumes Louba, Lounda et Kouba, ainsi que de nombreuses petites tribus, se mettaient sous la «protection» de la compagnie (dans le but officiel de chasser les négriers arabes). En 1885, la Conférence de Berlin reconnut officiellement à Léopold II la propriété personnelle des terres ainsi revendiquées. Le territoire réuni, correspondant plus ou moins à l’actuel Congo-Kinshasa (76 fois plus grand que le royaume de Belgique), fut baptisé «État indépendant du Congo» et fut placé sous la direction personnelle de Léopold, sans que le gouvernement de la Belgique y soit le moindrement impliqué. Une série d’expéditions militaires, constituées de mercenaires payés par la compagnie et recrutés dans plusieurs pays, chassa les Arabes et leurs alliés Swahilis, quitte à embaucher ensuite ceux qui acceptaient de travailler pour la compagnie.
Quant à ce qui se passa ensuite, voici ce qu’en raconte l’auteur suédois Svend Linqvist dans son ouvrage « Exterminez toutes ces brutes ! » (Paris, Le Serpent à Plumes, 1992, 233 p.) :
“Le 29 septembre 1891, Léopold II, le noble ami de l’humanité, promulgua un décret qui donnait à ses représentants au Congo le monopole du “commerce” du caoutchouc et de l’ivoire. En même temps, les indigènes se voyaient obligés de fournir tant du caoutchouc que du travail, ce qui, en pratique, rendait tout commerce superflu. »
Si les Africains étaient disposés à effectuer le commerce du caoutchouc ou de l’ivoire, ce n’était que dans la mesure où cela leur rapportait des revenus supplémentaires. Sinon, pourquoi négliger leurs cultures et risquer la famine ? Mais la Compagnie voulait le caoutchouc et l’ivoire au prix le plus bas possible. Alors…
« Les représentants de Léopold réquisitionnèrent purement et simplement le travail, le caoutchouc et l’ivoire des indigènes, sans les payer. Ceux qui refusèrent eurent leurs villages brûlés, leurs enfants tués, leurs mains tranchées.” (Voir photo de gauche)
Chaque village congolais devait fournir un certain tonnage de caoutchouc à la Compagnie. Pour s’assurer du respect des quotas, une escouade de mercenaires était affectée à chaque région et le refus, ou le défaut, de fournir les quantités requises entraînait des expéditions punitives contre les communautés fautives : assassinats publics des chefs, viols, mutilations des otages, etc.
Un voyageur américain nommé Glave raconte ceci :
“À l’origine, les indigènes étaient bien traités, écrit-il, mais désormais, des expéditions ont été envoyées dans toutes les directions pour forcer les indigènes à faire du caoutchouc et à le livrer aux missions. L’État se livre à cette politique détestable pour faire des profits.
“La guerre a fait rage dans tout le district d’Equator, et des milliers de personnes ont été tuées et leurs maisons détruites. Ce n’était pas nécessaire autrefois, quand les Blancs n’avaient aucune force. Ce commerce forcé dépeuple le pays.
(…) “Quitté Equator à onze heures ce matin après avoir chargé le bateau avec une trentaine de petits esclaves, principalement des garçons de sept et huit ans, avec quelques filles dans le lot, tous volés aux indigènes.
(...)“De ces libérés à qui l’on fait descendre le fleuve, beaucoup meurent. Ils sont maltraités : pas de vêtements durant la saison des pluies, pas de toit pour dormir, pas de soins quand ils sont malades. L’État ne se soucie guère de la centaine de jeunes à bord, la plupart sont complètement nus et n’ont aucune couverture pour la nuit. Leur crime est que leurs pères et leurs frères ont lutté pour un peu d’indépendance.”
L’ « État » dont il est question, notons-le, est le nom donné à l’administration mise en place par la compagnie du roi Léopold.
Le missionnaire suédois Sjöblom rapporte cet incident survenu le 1er février 1895 : son prêche est interrompu par un soldat qui attrape un vieil homme et l’accuse de ne pas avoir récolté assez de caoutchouc. Sjöblom demande au soldat d’attendre que le service soit terminé. Le soldat se contente d’écarter le vieil homme de quelques pas, place le canon de son fusil contre sa tempe et tire.
“Un petit garçon d’environ neuf ans reçoit l’ordre par le soldat de trancher la main du mort, laquelle, avec d’autres mains prises de manière identique, sont remises le lendemain au commissaire, comme signe de victoire de la civilisation. »
Au poste de Stanley Falls, Glave décrit la situation suivante : “Les Arabes au service de l’État sont forcés de fournir de l’ivoire et du caoutchouc et ont l’autorisation d’employer tous les moyens qui leur semblent nécessaires pour parvenir à ce résultat. Ils emploient les mêmes moyens qu’autrefois, lorsque Tippu Tip (fameux esclavagiste de Zanzibar) était l’un des maîtres de la situation. Ils pillent des villages, prennent des esclaves et les échangent contre de l’ivoire. L’État n’a pas aboli l’esclavage, mais établi un monopole en éliminant les concurrents arabes et Wangwana.(...) Récemment, le poste de Lomani a perdu deux hommes qui furent tués et mangés par les indigènes. Les Arabes (engagés par la Compagnie) furent envoyés pour punir les indigènes ; de nombreux femmes et enfants furent pris et vingt et une têtes furent ramenées à Falls. Le capitaine Rom s’en est servi pour décorer les parterres de fleurs devant sa maison!”

La semaine prochaine : la suite. Jusqu’à aujourd’hui.



En attendant : une petite plogue !
Je serai au premier salon du livre de Victoriaville le 21 février prochain.
À la Place 4213 située au 13, rue de l’entente à Victoriaville.
J’y serai entre 10h et 17h pour présenter mon livre « Histoires à dormir Debout ! »